Eric Bertinat – Après l’affiche blasphématoire sur la voie publique à Genève, à quelques jours de Noël, voici la Messe pour la paix du compositeur Karl Jenkins qui sera jouée les 2,3 et 4 février dans les églises de Siviriez, village si chère à Marguerite Bays canonisée en 2019, puis celle de Bulle. Décrite comme une véritable ode aux valeurs humanistes, la composition est présentée comme une messe chantée pour la paix, s’inspirant d’une célèbre chanson profane du XVe siècle (si j’en crois wikipédia) déclinée et sans doute remaniée en une quarantaine de messes.

Mais voilà, nous sommes à l’époque du «potisme», nous sommes tous potes et pour l’être il convient d’effacer nos différences, un petit coup de mixeur permettant de livrer une purée œcuménique qui ne saurait supporter la critique. L’œuvre «atteint l’universalité par un choix de textes de diverses époques, de divers pays et de diverses religions : des textes d’origine islamique (l’Adhan, l’appel à la prière), biblique (des psaumes), chrétienne (l’ordinaire de la messe), ainsi que des textes de Rudyard Kipling, d’Alfred Tennyson ou encore d’un survivant d’Hiroshima» (1)

Est-ce une raison suffisante pour que l’œuvre de M. Jenkins soit jouée dans une église catholique ? Là où se déroule ordinairement la sainte messe durant laquelle se perpétue le sacrifice de la croix et le banquet sacré de la communion au Corps et au Sang du Seigneur ? Là où l’autel a été béni : «C’est pourquoi nous te supplions, Seigneur : du haut du ciel, répands ta bénédiction sur l’autel qui a été bâti en cette église ; qu’il soit pour toujours consacré au sacrifice du Christ, qu’il soit la table du Seigneur où ton peuple viendra refaire ses forces. Que cet autel taillé dans la pierre soit pour nous le symbole du Christ, car c’est de son côté transpercé qu’il laissa couler l’eau et le sang, source des sacrements de l’Eglise» (Prière de la dédicace d’un autel.).

Est-ce le lieu pour entendre, entre autre, la mélopée islamique qui constitue le deuxième mouvement de cette partition œcuménique, l’adhan, à savoir l’appel à la prière musulman ? Gênés aux entournures, les représentants de l’Église ont chercher à éviter que cette récitation traditionnellement scandée par un muezzin : Allahou Akbar, «Allah est plus grand». L’occasion de rappeler que Allahou Akbar a été proféré par certains terroristes islamistes au moment de passer à l’acte, car c’est aussi un cri de guerre, et ce depuis l’époque de Mahomet.

Bien sûr, la réponse est non. C’est cette réponse qu’a donné Mgr Morerod aux organisateurs de la messe pour la paix, cédant à «l’extrême droite», si l’on en croit Juliette de Banes Gardonne, journaliste au Temps (29 janvier 2024). Quelle est donc cette mystérieuse extrême droite en Suisse romande qui crispe autant l’évêque de Vaud, Fribourg et Genève ?

La réponse nous est donnée par la représentante de l’évêque, une femme comme à Genève, c’est la mode, Céline Ruffieux : ce sont quelques lettres de catholiques se référant à l’association française Riposte catholique qui se sont opposés au concert dans des églises catholiques – on imagine l’atroce pression exercée sur le diocèse. Puis l’évêque est revenu sur sa décision. C’est oui ! Même si, parait-il, l’évêché n’était pas près à entendre s’écrier « Allahou Akbar » dans ses églises. «C’est dans un esprit d’intégration et de paix, de même que pour préserver la vision artistique du compositeur». (communiqué de presse du dimanche 28 janvier 2024).

Faut-il à nouveau faire savoir à l’évêque notre dépit et notre opposition à l’utilisation de nos églises catholiques pour célébrer des œuvres profanes, qui plus est celle-ci et son message confus et rejetant clairement la royauté du Fils de Dieu pour l’aligner aux côtés de religions opposées au catholicisme. Le Père Emmanuel, curé de la paroisse de la Sainte-Trinité à Paris n’hésite pas à dénoncer cette œuvre intégrant le chant de l’Adhan qu’il n’a découvert qu’après son exécution dans son église : «Le texte chanté est en effet en contradiction obvie avec la foi chrétienne et n’avait donc pas sa place dans notre église, même à l’occasion d’un évènement musical».

Nous trouvons dans le Droit canon divers articles précisant l’usage d’une église. Citons-en deux :

Can. 1214 – Par église on entend l’édifice sacré destiné au culte divin où les fidèles ont le droit d’entrer pour l’exercice du culte divin, surtout lorsqu’il est public.

Can. 1220 – § 1. Tous ceux que cela concerne veilleront à assurer dans les églises la propreté et la beauté qui conviennent à la maison de Dieu et à en écarter tout ce qui ne convient pas à la sainteté du lieu.

Alors, faut-il à nouveau faire savoir à l’évêque notre dépit et notre opposition à l’utilisation de nos églises catholiques pour célébrer des œuvres profanes ? Je n’ai pas la réponse. C’est vous qui l’avez. Plus de 600 personnes ont signé en trois jours notre pétition contre l’affiche blasphématoire des Bains des Pâquis. C’est un signe d’un ras-le-bol des catholiques, de quelques tendances soient-ils. Le Collectif des Jeunes et des Familles catholiques romands (www.jfcr.ch) a saisi le diocèse sur ces très discutables autorisations. Il nous reste à attendre : Mgr Morerod, après avoir dit non, puis dit oui, pourrait revenir sur son « esprit d’intégration et de paix » qui permettra d’entendre s’écrier « Allahou Akbar » dans ses églises. Nous vous tiendrons informé.

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(1) voir wikipedia (cliquezici!)

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Newsletter N° 185 – 1er février 2024 | Source : Perspective catholique